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Amphi réalité
18 août 2015

Diplôme d'ingénieur à Bollywood (extrait de "Amphi réalité", en vente chez tout bon libraire)

Pour peu que vous soyez un minimum ouvert d’esprit, vous apprécierez sans doute le cinéma Bollywood. Curieusement, il n’est pas bien populaire en France. Certes, il y a beaucoup de déchet (c’est le moins qu’on puisse dire) mais il y aussi quelques perles. Il faut évidemment accepter leurs codes. D’aucuns diraient « c’est kitsch ! ». Mais non, rien compris, c’est Bollywood. Alors oui, ils étalent ostensiblement leurs sentiments au point qu’on peut trouver ça impudique. Oui, les hommes pleurent parce qu’ils sont séparés de leur maman (cf. « Khabi Khushi Khabie Gham »). En général, les acteurs sur-jouent un peu et les films sont longs, trois heures est le tarif standard. Pour vous donner envie d’essayer un peu, voilà un nouveau pitch inspiré de « Mohhabatein » réalisé par Aditya Chopra, avec la belle Aishwarya Rai, Shah Rukh Khan et Amitabh Bachchan, rien que des monstres sacrés de Bollywood.

Alors voilà, Raj Meyer et Arjun Duval sont étudiants dans une école d’ingénieur en première année. Ils suivent le cours de physique d’Eddie Shankar, un veuf cinquantenaire qui dirige son département d’une main de fer. Il voue un culte très traditionnaliste aux déesses Mathématiques et Physique qu’il adore avec déférence et vénération. Il enseigne ainsi les préceptes de son culte avec fermeté, rigueur et exigence de l’excellence. Seulement voilà, la société est en plein bouleversement et lesdites déesses n’intéressent plus personne dans l’amphi, « Ah ! La bande de petits salopards » pense Eddie Kapoor qui résiste comme il peut au déclin de sa société.

Par ailleurs, Eddie Johar a une fille unique, Anjali, (dans les films Bollywood, les vieux parents ont toujours un enfant unique, tu te demandes comment ils font pour être presque 1,3 milliard). Et elle plaît bien à Raj et Arjun, faut dire qu’elle est bien gaulée. Quand elle danse, c’est sexy en diable !

 Et là, après la mise en contexte, le premier élément important du scénario, voilà que débarque un  jeune prof, Guillaume Khan, aux idées progressistes et modernes qui met le feu à l’amphi, en encourageant ses étudiants à la liberté et à la joie de vivre. Première grande scène chorégraphiée, en plein cours d’algèbre, il se met à chanter et le cours finit en immense chorégraphie bollywoodienne avec force pas de danse, saris et autres chevillières.

Après six minutes de chants et danses endiablées, voilà que débarque Eddie Chopra en pleine fête bollywoodienne ! Evidemment, stupeur, tout l’amphi se fige et là, gros plan sur la figure du commandeur aux yeux réprobateurs et incendiaires et coup de tonnerre dans la bande son, au sens propre (procédé classique).

« आप स्थापित के की भावना का अपमान किया है»

en VF, ça donne,

«  Vous avez déshonoré l’esprit de cet établissement ».

Suit un long discours sur les vertus de l’excellence, de l’abnégation et tout ça !

Comme Guillaume Khan résiste un peu et s’efforce de s’expliquer, Eddie Advani met fin à la conversation d’une baffe magistrale quand Guillaume lui explique qu’il est complètement has been, en fait.

 

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Amrish Puri, dans "Dilwale Dulhania Le Jayenge", 1995, déjà de Aditya Chopra, un classique parmi les classiques. Le film a été projeté vingt ans d'affilée en Inde et n'a été retiré que tout récemment, début 2015. Yash Raj Films.

Un procédé classique à Bollywood, on voit la raclée sous différents angles pour bien accentuer l’intensité dramatique de la scène, avec un bruitage comme s’il lui décrochait la mâchoire.

Entretemps, évidemment, Anjali est tombée amoureuse de Raj mais c’est pas réciproque, ben non ! C’est Arjun qui aime Anjali. Un autre classique dans le cinéma Bollywood, le triangle amoureux avec tous les quiproquos que ça entraîne.

 

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Rani Mukherjee (à gauche), Shah Rukh Khan et Kajol dans « Kuch kuch hotai hai ». Le triangle amoureux my-thi-que. Anjali aime Rahul qui aime Tina. Si vous voulez savoir qui est Anjali et qui est Tina, il faudra voir le film. Vous pouvez aussi regarder sur Wikipédia, mais ce serait vraiment dommage ! Dharma Productions.

 Mais à la fin, ça s’arrange, en fait. Anjali se rend compte qu’elle croyait être amoureuse de Raj et elle découvre en Arjun, l’ami fidèle, le type bien avec qui elle sera heureuse. Oui, mais voilà, Eddie Malhotra n’approuve pas cette union. Il faut dire qu’Arjun est complètement nul en algèbre, le sagouin.

 Et évidemment voilà que Guillaume s’en mêle parce qu’il a quelque chose d’Amélie Poulain, le bougre. Faut bien dire que Bollywood s’inspire souvent du cinéma étranger dont il produit de nombreux remakes. Mais on s’en fout, les remakes sont souvent mieux que les originaux.

 Une scène forte : huis clos entre Eddie Roshan et Guillaume Khan qui lui dit ce qu’il a sur le coeur. Certes, le vieux censeur est honnête et intègre, convaincu de son bon droit mais en défendant son système passéiste, il fait le malheur de sa fille et accessoirement, il dégoûte ses étudiants du culte des déesses Mathématiques et Physique. Ils se quittent là, sur ce jugement (coup de tonnerre en fond dans la bande son, encore une fois) et Eddie Mukherjee reste là interdit, pour la première fois dans la regard une lueur d’interrogation qui préjuge, — qui sait ? —, d’une prochaine introspection.

 Après de multiples rebondissements, retournements de situation et chorégraphies tantôt très traditionnelles ou carrément disco (eh oui, curieux mélange des genres, mais c’est comme ça à Bollywood), nous nous retrouvons à la scène finale où Anjali et Arjun viennent chercher la bénédiction paternelle que le vieux prof raide et strict leur refuse obstinément. Et Guillaume Kahn qui observe en embuscade.

 Scène finale d’une rare intensité émotionnelle !

Eddie Zinta prend la parole et ne peut s’empêcher de fourguer son discours traditionnaliste, valeur de travail, exigence, excellence, etc.

Mais petit à petit, tu vois tant dans son discours que dans sa gestuelle, il commence à baisser la garde.

En s’adressant à Anjali, l’émotion finit par le submerger et il ouvre enfin les écluses de son cœur en avouant :

 « मुझे लगता है मैं सिर्फ मैं नहीं बता सकता है कि आप इतना मेरी बेटी को प्यार करता हूँ, तुमसे प्यार करता हूँ »

 Et voilà qu’il enlace sa fille et Arjun qu’il réunit enfin dans une émouvante accolade dans laquelle tout le monde pleure sa mère. La caméra ripe sur Guillaume qui écrase aussi une petite larme en coin parce que c’est un bon p’tit gars.

 Enfin, scène finale, fiançailles, henné et une dernière chorégraphie avec force saris et chevillières. Eddie Ray s’adresse une dernière fois à Arjun :

 « Il faudra quand même que tu me revois un peu la réduction des endomorphismes ! ».

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Eddie Bachchan (à gauche), Anjali et Guillaume Khan enfin réconciliés. Dharma Productions.

 

Mohabbatein-20008

Aishwarya Rai, Shah Rukh Khan et Amitabh Bachchan. Yash Raj Films.

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  • La vie quotidienne d'un enseignant-chercheur dans une école d'ingénieurs. Ses amis, ses amours, ses emmerdes… Un regard porté avec humour sur le monde de l'enseignement supérieur, du rapport avec les étudiants aux angoisses du chercheur, tout y passe.
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